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Beati Akor

Crise en Ethiopie : le cri du Tigré

Après avoir vécu les atrocités de la guerre, des millions d'Éthiopiens sont aujourd'hui confrontés à des niveaux critiques d'insécurité alimentaire et de faim.

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La situation actuelle en Éthiopie est terrible. La sécheresse, les déplacements de population et les conflits brutaux ont plongé de vastes régions du pays dans la crise, le Tigré, l’Amhara et l’Afar étant les régions les plus touchées. En deux ans, la guerre civile au Tigré et dans les régions alentours a causé des destructions massives et a laissé de terribles cicatrices physiques et mentales sur ses habitants, y compris sur des millions d'enfants, dont beaucoup ont manqué plusieurs années de scolarisation. 

Depuis plusieurs mois, le personnel de notre partenaire local partage des rapports poignants sur les expériences vécues par les membres des communautés qu'ils soutiennent. Après avoir vécu les atrocités de la guerre, des millions d'Éthiopiens sont aujourd'hui confrontés à des niveaux critiques d'insécurité alimentaire et de faim. En fait, la majeure partie de la région du Tigré se trouve actuellement dans une situation « d’urgence » en matière d'insécurité alimentaire aiguë et de faim selon FEWS NET, en utilisant une analyse compatible avec l'IPC (IPC = Integrated Food Security Phase Classification).

Enfants en Ethiopie

Un risque manifeste de famine

Le rapport de situation de janvier 2024 de l'OCHA (Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies) estime que plus de 10 millions de personnes en Éthiopie auront besoin d'une aide alimentaire cette année.

Beaucoup d'entre nous se souviennent de la famine qui a frappé l'Éthiopie au milieu des années 80 et qui a fait l'objet d'une couverture médiatique mémorable, inspirant un effort mondial de collecte de fonds et aboutissant au concert Live Aid de 1985. À l'époque, le Tigré figurait également parmi les régions les plus touchées.

La définition de la famine est très précise (et certains critères doivent être remplis pour que la famine ne soit déclarée dans une région ou un pays), de sorte que l'on hésite à utiliser le terme de « famine » avant que les critères n'aient été remplis. Cependant, les rapports de notre partenaire local ne laissent planer aucun doute sur le fait que la faim extrême s'empare de la région du Tigré et, à moins d'une intervention internationale majeure, ce n'est qu'une question de temps avant que la situation ne remplisse les conditions nécessaires à la définition technique de la famine.

Getachew Reda, président de l'administration régionale intérimaire du Tigré, a récemment déclaré à Channel 4 news : « il est de notre responsabilité de veiller à ce que cette famine en gestation ne finisse pas par tuer des milliers, voire des millions de personnes, car si nous ne parvenons pas à régler ce problème à temps, ce qui s'est passé en 1985 ne serait rien en comparaison de ce qui se passerait aujourd'hui ». Il poursuit : « Je suis responsable de la région et je vois des gens mourir de faim ». 

Malheureusement, ces propos concordent avec les nouvelles dramatiques que nos collègues sur place nous transmettent depuis plusieurs mois.

Ethiopie

Déscolarisation et avenir de l’éducation

Pendant le conflit, les parties belligérantes ont attaqué et pillé les écoles du Tigré et ont utilisé les bâtiments scolaires comme bases militaires. En conséquence, certaines ne sont plus en état d'être utilisées comme lieux d'apprentissage. (Jusqu'à présent, l'Éthiopie n'a pas adhéré à la Déclaration sur la sécurité dans les écoles, qui exhorte les pays à prendre des mesures fermes pour protéger les écoles et autres établissements d'enseignement, notamment en s'abstenant de les utiliser à des fins militaires). D'autres écoles, principalement à Mekelle et dans ses environs, sont devenues des abris pour les personnes déplacées fuyant les combats.

Des millions d'enfants n'ont soudain plus pu aller à l'école, se sont retrouvés dans des situations terrifiantes et ont souvent dû se réfugier dans des camps de déplacés - ou, dans certains cas, dans des grottes ou d'autres cachettes en plein air - pour survivre. Notre partenaire nous a confié : « Les enfants sont si innocents, ils ne comprennent pas ce qui se passe, ils ne peuvent pas comprendre. Ils ne peuvent pas comprendre, mais ils se retrouvent dans des circonstances si difficiles pour des enfants - ils ont faim, ils vivent dans de multiples endroits différents. Les parents les emmènent où ils peuvent, juste pour les garder en vie ».

Enfant devant un char

Alors que les écoles étaient fermées et que notre programme d'alimentation a dû être interrompu, notre incroyable partenaire a travaillé sans relâche dans des circonstances très difficiles et, avec notre soutien, a livré des repas chauds quotidiens à plus de 30 000 personnes déplacées hébergées dans des camps. Lorsque les gens ont commencé à rentrer dans leurs villages, notre aide s'est poursuivie sous la forme de distributions de nourriture aux communautés, là encore grâce au travail extraordinaire de notre organisation partenaire.

Lorsque les écoles ont commencé lentement à rouvrir leurs portes l'année dernière, notre partenaire sur place évoquait le « grand désir » des enfants de retourner en classe. Elle nous confiait : « Tous ces estomacs vides auront quelque chose à se mettre sous la dent, les enfants auront du temps et un endroit pour parler. Ce seront des retrouvailles, j’espère que le fait de se retrouver, après des années de séparation, leur fera du bien. ».

Expliquant à quel point de nombreux enfants se réjouissaient de reprendre le chemin de l'école, elle ajoutait : « N’ayant pas été scolarisés pendant quatre ans, ces enfants ont été privés des besoins les plus élémentaires. Dorénavant, ils peuvent aller à l'école et être nourris, recevoir l'attention des enseignants et des membres de notre personnel, et passer du temps dans un endroit où ils se sentent à l'aise, où l'environnement répond à leurs besoins. Ils sont vraiment ravis de retourner à l'école. »

Au cours des derniers mois, de nombreux enfants ont pu retourner à l'école, mais souvent dans des bâtiments criblés d'obus et avec peu ou pas d'équipement. Après avoir remplacé le matériel de cuisine détruit ou pillé pendant le conflit, nous avons maintenant relancé le programme d'alimentation scolaire dans chacune des écoles où nous servions déjà des repas (avant que la pandémie de Covid-19 et la guerre civile n’obligent à les fermer).

La guerre a réduit à néant des années de progrès dans le système éducatif du Tigré et l'impact de ces années de déscolarisation de millions d'enfants sera certainement énorme. Dans l’immédiat, la priorité est double : veiller à ce que les enfants du Tigré ne meurent pas de faim et faire en sorte qu’ils reprennent le chemin de l'école.

Décombres d'une salle de classe

Comment nous aider

Les enfants du Tigré, en Ethiopie, ont désespérément besoin de repas réguliers et de la chance de s'instruire. Notre partenaire est prêt à étendre le programme à d'autres écoles, dans des zones où les besoins sont considérables. Nous travaillerons ensemble, dans la mesure où les fonds disponibles le permettront, pour offrir à des dizaines de milliers d'enfants supplémentaires des repas quotidiens à l'école au cours des semaines et des mois à venir.

Comme le dit si bien notre partenaire sur place :

Si vous n'aidez pas les gens à ne pas mourir de faim aujourd’hui, à ne pas mourir tout court, quand le ferez-vous ? Demain, il sera trop tard. J'espère vraiment que quelque chose de concret sera fait pour sauver la vie des gens qui meurent de faim, en particulier en ce moment, en Éthiopie et surtout dans la région du Tigré.